Aï – Ki – Confinement

Alors, voilà, le sac est posé, hakama plié et ceinture blanche roulée, pour un temps indéterminé.

Après notre dernier cours, le vendredi 13 mars, au cours duquel on avait déjà évité les contacts au maximum (au programme : bokken, avec les 5 katas de la première série), les judokas de l'ASBR nous annoncent que la mairie va fermer le dojo à partir du lendemain.
Qu'est-ce que ? Quoi ? Fermer le dojo ? C'est la Fédé de Judo qui a décidé ?
Non, c'est la mairie.
La mairie ?
Alors, ... c'était vraiment le dernier cours !
Brrrrrrrr coup de froid avant la douche... L'Aiki, c'est fini...
[Les mesures de confinement s'accélèrent... Après les écoles, les universités ; dès le mardi, l'ensemble du pays est confiné.]

 

Le lundi suivant, à l'heure où devait se dérouler le cours de Fabrice, le groupe – que nous avions constitué sur un réseau social, dans le but de coordonner notre préparation aux passages de grades Dan –, devient dès lors... un « groupe de parole » !
Pour tenir le coup, tiens !
Car, pour tout le monde, il est clair que ça va devenir dur-dur de ne pas pratiquer...

Le samedi, j'étais parti acheter dare-dare un bouquin (que j'avais déjà remarqué dans une vitrine de la Rue de la Paix, à Nantes) sur l'Aïkido. « L'Aïkido à la lumière du Taïchi Chuan », de J. Chemin.
En me disant que, à défaut de pratiquer, je pourrais toujours rester connecté avec notre discipline...
Bon, pas inintéressant, mais l'auteur développe beaucoup d'aspects spirituels, ésotériques, et des notions qu'à mon niveau (préparant le 1er Dan), je n'entrevois que de manière très lointaine, floue...
Difficile de remplacer la pratique !
Je relève certaines phrases dans le livre, qui résonnent avec la situation présente :
« La pratique est dans le dojo », « C'est seulement par la pratique que l'on expérimente. »
Il faut se résigner... [technique de défense du Pangolin : se rouler en boule, protégé par ses écailles]
Sans pratique, que reste-t-il ?
J'enrage, mais nous comprenons tous ces mesures de confinement.
Comment aurions-nous pu, d'ailleurs, pratiquer en respectant un mètre de distance ?
En toussant dans son coude ? (Bon, certains le font toute l'année... mais un keikogi plein de tâches gluantes, beurk)

« Le monde d'aujourd'hui est au bord du chaos parce que les hommes ont oublié qu'ils sont issus d'une seule et même source. », citation de Morihei Ueshiba trouvée dans le bouquin (elles sont nombreuses, évidemment).
J'y trouve aussi matière à réflexion concernant la main, la main-sabre (te-gatana) : l'importance de la position et du mouvement des mains, fondamentale en taïchi chuan, et, je m'en rends compte, structurante en aïkido. « Les paumes relevées, les doigts autant que possible droits... »
L'orientation de la paume de la main structure mécaniquement la position du coude, de l'épaule...
Mais il faut concevoir la chose seul, sans partenaire, intellectuellement... se souvenir de ce que me montrait notre enseignant... Heureusement, les dernières pages du livre sont consacrées à des exercices illustrant certains principes : te-gatana, verticalité, torsion, globalité... tirés du taïchi chuan et de l'aïkido.

En l'absence de katas pour répéter seul des mouvements à mains nues, je constate (sur le groupe) que chacun semble se rabattre sur la pratique du bokken et du jo... dans son jardin.
Je décide de m'y mettre aussi. (J'ai emprunté au club le DVD de l'école Kashima d'Inaba Minoru).
(Back to) Kihon Tachi : Kesa Giri, Ashi Baraï Ukibume, Kiri Wari, Wari Zuki, Kurai Tachi !

Le 23 mars (petit sondage), aucun des dix membres du groupe ne présente de symptômes... (pour Georges, c'est la preuve que « l'Aïkidoka prend soin des autres et de lui-même », pour d'autres, qu'il est « propre », et aussi « plus intelligent ») (ah ah ah on se marre bien sur le réseau social !)
Enfin... aucun symptôme... c'est sans doute un peu vite dit :
Notre enseignant qui nous propose des exercices « Wine Aerobics », ou... des cigarettes roulées aux brocolis ! ; Sébastien qui fait pousser des rouleaux de papier-toilette, ou bien nous propose des coupes de cheveux en mode « parents-coiffeurs-des-années-80 ».
Vincent, lui, a failli éborgner et sa chérie et son chien en faisant du bokken dans son jardin (Georges aussi, qui aurait même émasculé des mouches, paraît-il !)
Kamal « Mc Gyver » qui fabrique des masques à l'aide de son imprimante 3D ;
Philippe, quant à lui, reste serein : il se tient prêt à attraper son sac, sauter dans ses chaussures et courir au dojo.

Et puis il y a tout ce qu'on loupe : le 20 mars, Fabrice nous apprend que Joël R. a été nommé 7e Dan ; l'anniversaire de Lucas ; les apéros de Kamal ; les cacahuètes de Sébastien...
Aï – Ki – Confinement !

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Avec cela, la fermeture des librairies, des cinémas, des bars et cafés, des restaurants, et... des coiffeurs ! ... Alors ne soyez pas surpris, lorsque le confinement sera terminé, de voir débarquer un être hirsute sur le tatami... Quel plaisir de se retrouver !