par Yann
Aïe ! Qui ? Do !

Pour ma part, je pratique l'Aï-ki-do depuis un an maintenant, et je ressens de plus en plus le besoin de me rendre au Dojo. Bien sûr, au début, je me demandais ce que l'Aïkido signifiait : fallait-il considérer les 3 syllabes séparément ? En effet, à quelques reprises, j'avais expérimenté le « Aïe » : un coup de bokken reçu sur les doigts, le poignet qui craque lors d'un Shiho Nage un peu appuyé, un jet d'eau froide dans les douches. Était-ce là l'essence du Aï ? Peut-être. Quoique, dans la quiétude du Dojo, on entende aussi parfois des « Ouïye » (étouffés c'est vrai). Alors, faisais-je fausse route ? Sûrement... Parce que l'Ouïkido, ça ne rimait plus à rien. Alors, je poursuivis mes investigations.
L'important, c'était peut-être le « Ki » ? Ah, oui ! Cela avait l'air primordial, le « Qui ». Dès que le prof avait fini sa démonstration, il nous invitait immédiatement à choisir un partenaire pour pratiquer. Alors, qui ? Oui, qui choisir ? Solliciter l'armoire à glace, là, sur la droite, pour voir si on pouvait lui appliquer la technique sans sourciller ? Et la recevoir sans expérimenter le « Aïe » ou le « Ouille » ? (voir paragraphe précédent). Faire une proposition à la jeune femme qui se trouvait sur la gauche, là-bas, d'une œillade appuyée (qui, en tout autre lieu, passerait pour inconvenante) ? S'incliner devant un nouveau, pour lui montrer que cet art ne souffrait pas d'esprit de clocher ou de pseudo-supériorité ? Ou choisir un ancien, vous savez, ceux qui portent la jupe noire, pour apprendre un petit truc ou deux en plus ? Mais le « Qui », cela pouvait aussi être : qui vous choisit ? Et dans ce cas, j'arrivais rapidement à une certitude : lorsque vous recevez une grande tape (amicale) par l'arrière, alors le « Qui », c'est Georges !
Tout pendant que je poursuivais mes recherches sur le Qui, je commençais aussi à m'interroger sur le « do ». J'éliminais rapidement l'hypothèse du « dos », car, contrairement au Ju-Do(s) que je pratiquais dans ma jeunesse, ici, on finissait plutôt sur le ventre. Peut-être fallait-il chercher du côté de la note de musique ? Do-ré-mi-fa-sol-la-si-do : quand on commence par do, on finit par do. Cela voulait-il dire que quand on a fini une technique d'Aïkido... et bien, on recommence !? Ou bien : on pratique l'Aïkido par groupe de deux, ce qui fait do-do (bon, là, évidemment, à ce stade, il s'agit de recherches très pointues). Alors, l'Aïkido serait-il un prélude au dodo ? C'est sûr que quand on voit le nombre de pratiquants qui baillent dans le vestiaire après le cours... Y avait sûrement de ça ! Ou encore, était-ce le « do » anglais, qui veut dire « faire » ? Car oui, tout le monde vous le dira, il faut pratiquer. Alors peut-être, après tout, faut-il faire, mais il ne faut pas... s'en faire ?
Je tournais donc en rond dans mes recherches. « Aïkido » ne signifiait sans doute pas « un-nouveau-départ-avec-quelqu'un-qui-va-vous-faire-mal », ou encore « dormir-avec-Georges1-sous-une-douche-froide ». Non, ce n'était pas possible !
Et puis, la lumière m'est venue, d'un coup, après avoir ré-entendu cette vieille chanson interprétée par Jean Gabin : « Maint’nant je sais, je sais qu’on n’sait jamais... ! » Et voilà : après un an de pratique et de recherches (c'est peu, j'en conviens, et il y en a sans doute un paquet qui cherchent depuis des décennies !), je ne sais toujours pas ce qu'est exactement l'Aïkido... non... tout ce que j'en sais, c'est cette envie que j'ai aujourd'hui, et de plus en plus, de prendre mon sac et de me rendre au Dojo.
Pour apprendre à utiliser mon corps d'une manière plus cohérente, plus unie, et (si possible) dans le relâchement ; pour s'évader, pendant une heure ou deux, d'un monde un peu stressant ; et puis, surtout, je partage les raisons évoquées par le très beau texte de Claire : la bonne humeur, le bon esprit qui règne sur le tatami, la rencontre de gens fort sympathiques, simples, sincères.
Yann.
1Bon, même si c'est avec Fabrice ou Laurent, c'est pareil.