par Georges
La Troc’

La Troc’ c’est la Trocardière, bien sûr, rendez-vous annuel incontournable avec le public au sein duquel nous allons peut-être trouver, qui sait, quelques nouveaux adhérents. Une table, deux chaises et nous voilà installés entre le Judo et le Karate guettant, l’air de rien, le visiteur qui se laissera happer par la vidéo d’Aïkido qui tourne en boucle sur l’ordinateur portable de Paul.
Les visages sont bronzés ; les vacances sont encore toutes proches et dans un brouhaha assourdissant, nous contemplons le spectacle de ce troupeau humain qui défile devant notre stand. Certains ne nous voient même pas, d’autres nous regardent de loin, conservant ainsi une distance de sécurité leur permettant de s’éloigner sans paraître impolis. Il y a celui qui attend qu’une conversation s’engage pour s’approcher et profiter des explications que Paul donne à un curieux; un autre passe de stand en stand, le regard baissé et prélève automatiquement de la documentation sans même nous regarder, comme un électeur dans un bureau de vote; son choix se fera dans l’isoloir. Et puis il y a les enfants, mes “clients” préférés. Complètement absorbés par la vidéo, accoudés à notre table et la tête entre les mains, ils vivent ce qu’ils voient, sans censure et je contemple leurs yeux rêveurs. Ils se réveillent soudain pour laisser échapper un “c’est beau !” et nous sourient. Rien que pour un moment comme celui-là, j’aime la Troc’.
Ah ! Voici un monsieur à l’air jovial et décidé; il s’approche, nous serre la main et nous demande ce qu’est l’Aïkido. Je prends la parole, lui parle du club, de nos profs, de l’ambiance, d’Aïkido bien sûr. Il a l’air intéressé, a fait du sport et aimerait s’y remettre mais il manque de temps. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne le sens pas totalement sincère dans sa démarche. L’explication me vient de Paul qui me glisse à l’oreille, après le départ du monsieur, "te fatigue pas, je le connais, c’est un conseiller municipal; il est là pour serrer des paluches, il nous fait le même numéro tous les ans".
Comment parler de notre Art avec passion, mais sans prosélytisme excessif ? L’exercice est difficile… Comment, en quelque minutes, faire sentir à quelqu’un ce que peut être l’Aïkido ? Dans le vacarme ambiant, il va falloir lui hurler dans les oreilles “l’AIKIDO DÉVELOPPE AUSSI LA SÉRÉNITÉ, LA CONFIANCE EN SOI ET FAIT NAÎTRE UN SILENCE INTÉRIEUR !!!”
Nous retrouverons certains de ces visiteurs mardi soir, pour le premier cours de la saison. Ils seront intimidés, comme je l’étais la première fois que je suis entré dans le Dojo. Leur nœud de ceinture sera fait à l’envers et la dite ceinture nouée presque sous les aisselles, leur pantalon sera trop long et certains auront le pan droit de la veste devant le gauche. Pendant le cours, Fabrice dira “jambe droite en avant, jambe DROITE en avant, l’AUTRE jambe droite”! Qu’importe ! Ils ont eu le courage de venir; à nous maintenant de leur faire découvrir un monde fabuleux, comme le dit si joliment Claire, une débutante de l’année dernière qui est “tombée dans la marmite”.